lundi 21 novembre 2016


AMINA TALES l'intégrale : notes de l'auteur.


Pour ceux qui ont déjà le livre, voici les "Notes de l'Auteur" ajoutées à la fin de la nouvelle "édition" de l'Intégrale :


Cette histoire est issue d’un rêve, vraiment. Au saut du lit mes premières pensées furent : "Whaou ! Quelle nuit !". Je savais que quelque chose d’important venait d’arriver.
Je suis tombé amoureux de ce rêve, de ce film. Un court métrage, peut-être… ou bien une série d’images subliminales ? Dans les bras de Morphé on ne peut pas savoir, il n’y a pas de repères temporels, ça a peut-être duré quelques secondes seulement. Mais tout y était : une histoire, des personnages attachants à pleurer (vous ne pleurez jamais au cinéma, vous ?), une fin inéluctable, des décors de science-fiction somptueux, des effets spéciaux et des ralentis aux petits oignons, tout ceci pour un moment très spécial. Évidemment, j’ai fini par me dire : comment partager ça ? Suffit-il d’en parler ?
— Euh Chérie, j’ai fait un rêve très spécial.
— Yep, moi aussi, j’ai rêvé que tu faisais le petit déjeuner pour une fois…
J’adore le cinéma, être embarqué dans "l’infini et au-delà", c’est tellement magique ! Lorsque j’écris, en fait je décris le film que je visionne dans mon home-cinéma cérébral, dans ma tête. C’est pour cela que mes descriptions ont cet aspect si cinématographique : j’imagine que je suis dans une salle de ciné et je couche sur le papier ce que je suis en train de voir. A chacun sa méthode ! Lorsque j’étais enfant, mon premier vrai film de cinéma était un dessin animé : "Mowgli", celui de Disney. Mon passage préféré : le territoire des singes, bien sur, avec ces vieilles ruines à explorer, aussi mystérieuses que le paysage d’une planète alien… Mais le voyage ne suffit pas pour faire un film dont on se souvienne longtemps. Certaines œuvres ont un supplément d’âme, elles vous marquent pour un bon moment. J’ai découvert ça avec "2001", le conte philosophique de Kubrick (supplément d’âme de type religieux alors que j’étais très jeune) et je l’ai retrouvé dans "l’armée des douze singes" de Gilliam (supplément d’âme de type… indéfinissable : regardez ce film), cette fin au ralenti où le gamin voit Bruce Willis se faire anéantir, comme s’il savait déjà, depuis toujours. Une boucle temporelle pétrie d’humanité… Les voyages dans le temps me passionnent, je pense qu’un jour j’écrirai un roman là-dessus. Déjà, Amina Tales contient cet élément, cette traversée temporelle qui donne du recul sur l’histoire.Tous les éléments que j’adore au cinéma sont probablement dans mon livre… je remercie tous ces grands réalisateurs de m’avoir inspiré.
***
Le rêve qui est la source de ce roman était en 16/9ème, avec des cadrages à la Kubrick. Esthétiquement très beau il avait lui aussi cette chose en plus qui font les merveilleux films dont j’ai nourri mon imagination : une sorte de poésie transcendentale en ligne directe avec mon âme. Les images sont restées gravées en moi, encore aujourd’hui je n’ai pas besoin de fouiller longtemps dans ma mémoire pour les retrouver : elles m’ont accompagné tout au long de l’écriture d’Amina Tales, me motivant à me mettre dans l’état second propre à retranscrire toute leur beauté funèbre :
— Une jeune fille flottant en apesanteur dans un parallélépipède blanc, avec des éclats de glaces en ascension tout autour de son corps pris par le froid. Celui-ci s’élève de plus en plus haut avant d’éclater en milliers de petits morceaux, comme un membre figé par l’azote liquide et frappé par un marteau.
— Toute une famille, main dans la main, se serrant les uns contre les autres pour ne pas mourir de froid. Ils savent que le pire ne peut pas être évité. Ils s’aiment, mais ils sont réalistes : ce sont les tout derniers instants de communion et d’amour partagé entre eux. Ils sont tous vêtus de combinaisons spatiales de survie, et les cheveux noirs des enfants tranchent sur le blanc des cols en polyplastik. Tout est blanc comme la neige, de petits cristaux commencent à flotter dans l’air alors que la pesanteur artificielle disparaît peu à peu. Un peu plus loin, d’autres gens, d’autres familles encore en vie pour un instant, regroupées dans cet espace immaculé, dans le dernier secteur d’une immense station spatiale gagnée par un froid si intense que même le feu se fige.
— D’immenses baies vitrées qui donnent sur un soleil en train de mourir : orange, rouge et noir, l’astre du jour est désormais incapable de diffuser assez de photons pour nourrir les capteurs solaires de la station spatiale.
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D’habitude les rêves se diluent dans la réalité, les images fuient la mémoire qui s’optimise en ne stockant que le nécessaire pour la journée. Pourtant, le soir suivant, une semaine plus tard et jour après jour, les images sont revenues. Le rêve ne voulait pas que je l’oublie. C’était tant mieux car je l’aimais et ne désirais pas qu’il disparaisse.
Comme tout le monde il m’était déjà arrivé de retranscrire mes songes sur le papier : feuilles plus tard perdues, cahiers de brouillon froissés jamais relus. C’est donc ce que j’ai fait, encore une fois, mais la feuille me narguait, cela ne suffisait pas. Je sortais de la correction éreintante de "Silereves Hors du Monde", gros roman labyrinthique que j’avais mis des années à composer et qui m’avait absorbé comme un sable mouvant. Je voulais me reposer un peu : non, ne te laisse pas entrainer dans cet engrenage, pas maintenant.
Mais cela ne me convenait toujours pas.
Alors je me suis dit : une nouvelle, ça serait pas mal. Une petite histoire, qui ne prendra pas trop de temps. Seulement, dans une histoire il faut un début, une fin, une progression, des mystères, du suspens… Du moins c’est ainsi que je vois les choses, sûrement une déformation de ma culture Geek de SF. Je voulais un Monde autour de la situation exposée dans le rêve, je devais préciser les choses… Une nouvelle n’allait pas suffire ! J’ai donc commencé à rédiger un synopsis, la première et fragile armature de ce qui allait devenir le premier Tome de Amina Tales : "Soleil Noir". Et après… Vous savez comment cela se passe (ou pas), la machine est lancée, et les seuls havres de paix qui vous ressourcent sont ces périodes où votre imagination se déverse sur le papier, ou plutôt en ce qui me concerne dans un premier jet sur une tablette numérique. Vous avez entrepris la construction d’un Monde, qui doit être assez équilibré pour ne pas s’effondrer en quelques jours, et une chose en entrainant une autre tout devient plus compliqué. Mais dans ce Monde-là, vous vous sentez si bien qu’à chaque coupure du réel il vous tarde d’y revenir, c’est une véritable addiction… Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ? Demandez à mes proches, qui ont fait l’expérience de vivre à mes côtés alors que j’avais la tête ailleurs, ou bien à mes employeurs qui s’interrogeaient sur mes disparitions prolongées, alors que je me planquais dans la salle des serveurs Amon pour noter une idée que je ne voulais pas voir disparaître. Une longue idée… Parfois je n’avais pas trop envie d’y retourner : l’univers d’Eden-One et ces personnages qui se télescopent en multipliant les possibilités d’erreurs, en dévoilant des secrets qui expliquent des mystères, tout ce foisonnement m’épuisait. On se plonge dedans quelques minutes, et on s’aperçoit qu’en fait plusieurs heures sont déjà passées, que d’autres problèmes sont apparus, qu’il faudra encore plus de temps. Encore l’absence de repères temporels du rêve… J’ai même essayé d’y échapper en écrivant une satire humoristique d’une centaine de pages, décrivant sous pseudonyme mon milieu professionnel d’alors (ma vie "active" est composée de multiples milieux professionnels…). Mais le rêve me rappelait, il ne voulait pas que je l’abandonne, le livre réclamait sa substance. Les livres dévorent leurs auteurs, a-t-on dit. Je confirme. Amina flottait dans l’air gelé, et derrière son visage aux yeux pointés vers moi un soleil noir brulait d’une lumière ocre, léthale. La jeune fille semblait murmurer "n’abandonne pas, va jusqu’à la fin, je veux en finir". Finalement je retournais avec bonheur à l’écriture, conscient de ma dépendance. Je menais une double vie, le temps me filait entre les doigts. Afin de me motiver lorsque ma paresse prenait le dessus, j’ai demandé à ma fille de lire chaque nouveau chapitre en fin de semaine et de me vilipender si je ne lui envoyais pas la suite. Cela a marché, j’avais ainsi une Timeline quotidienne grâce à laquelle les choses ont bien avancé. La fin du premier Tome, la première édition, puis le second Tome, et enfin l’apothéose de "Terre Noire" où tout peut recommencer après le Reset du monde. Mort et résurrection… le cycle de la vie : le rêve a grandi, je l’ai nourri sans compter et je heureux d’en avoir fini.
***
Aujourd’hui la boucle est bouclée, j’ai rendu à la nuit le don qu’elle m’avait fait. Cela m’a pris prés de trois ans, où "Soleil Noir" et "Lune Noire" sont parus séparément pour être plus tard rejoints par "Terre Noire" au sein de cette intégrale revue et corrigée avec soin, grâce aux conseils et annotations de quelques amis auteurs et blogueurs cités à la fin de l’ouvrage. Je ne suis pas encore totalement sorti de l’univers d’Amina Tales, puisque les quelques nouvelles de SF que j’ai écrites depuis y font plus ou moins référence, avec la présence de quelques "SynKs", une allusion à une immense station spatiale en construction, un univers totalitaire au bord de l’implosion… On ne sort pas de la création d’un monde sans en porter les stigmates. Mes futurs écrits seront-ils tous contaminés ? On verra bien… Ils auront certainement lieu dans un état totalitaire, une dictature, une fausse démocratie. Avant le rêve j’étais déjà obsédé par l’Holocauste, alors les images du rêve, ces familles emprisonnées dans un monde glacé… cela m’a tout naturellement renvoyé aux chambres à gaz, à l’hiver des camps. Au cours de la conception du roman, la Shoah a investi peu à peu Amina Tales, à tel point que je me demande si finalement ce n’est pas ça qui était à l’origine du rêve. Peut-être au-je suivi un reportage ou bien lu quelque chose avant de m’endormir, je ne sais pas.
Le parallèle entre ce qui arrive aux habitants d’Eden-One et l’extermination des Juifs de la Seconde Guerre mondiale n’échappera à personne, puisqu’il est question d’un gaz exterminateur et que l’on trouve tout de même des Nazis dans le roman… Cette période de l’histoire a eu une grande influence sur moi. Je suis trop jeune pour l’avoir vécu, mais j’ai toujours été très à l’écoute de ce que mes anciens ont pu me raconter et des documentaires glanés çà et là. Grâce aux médias et à Internet nul ne peut ignorer cette flétrissure de l’humanité. Ma famille n’a pas eu à subir l’holocauste, mais je reste fasciné par ce que je considère comme l’Enfer, les démons envahissant la Terre à cause de l’impiété des hommes. Bien sûr j’ai un sentiment religieux ancré en moi, une foi qui m’est propre, affranchie de toute pratique. Cela transparaît dans le roman, où après avoir douté de son existence l’androïde rêve d’acquérir une Âme. Comme d’autres auteurs avant moi (et Philip K. Dick en particulier), je pose la question de savoir "ce qui définit l’Humain". Un film comme "La liste de Schindler" fait partie de mes références, je pense que son visionnage devrait être obligatoire dès le second cycle de l’Éducation Nationale. Ce chef-d’œuvre m’a bouleversé et ne cesse de me rappeler qui nous sommes, ou plutôt qui nous risquons de devenir, à tout moment. Ce génocide et tous les autres, Sajayevo, le Ruanda, ceux qui se déroulent en ce moment, Daesch… tous ces astres noirs… et ces enfants qui nourrissent l’espoir fou de rallumer le soleil, il me semble qu’ils sont les ancêtres d’Amina (qui le pressent clairement lors de la découverte de ses origines et de son rêve des chambres à gaz, après sa rencontre avec Le Golem). À chacun ses hantises, pour moi celle du totalitarisme me garde à jamais de voter pour les populistes de tous poils, qui séduisent les gens grâce à des solutions tout-en-un, comme Hitler l’a fait, comme le Gouvernement terrestre le fait dans mon livre en inventant un gigantesque mensonge. Les Ombres, présentes dès le début du Tome 1 et dont le mystère n’est levé qu’à la fin de la trilogie, sont le symbole ultime de ce cancer de l’humanité : elles se nourrissent de désespoir et ne disparaissent que lorsque le terrain redevient vierge de toute duplicité. Sur le fond Amina Tales est un roman sur l’identité : est-on toujours un homme lorsque l’on vend son âme au Diable ? Et la machine, l’androïde qui commencerait à se poser des questions existentielles, pourrait-il acquérir le statut d’être humain ? (le soldat formaté en démon peut-il redevenir humain ?).
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J’espère que j’ai réussi à traduire la poésie des images du rêve, les sentiments d’amour et de haine que je ressentais pour mes personnages, l’hyperréalisme de la cruauté du monde… Si tout n’y est pas, sachez que j’ai fait de mon mieux, comme toujours. À présent Amina Tales vit à chaque lecture pour une courte éternité. Le rêve qui en est l’embryon, comme une providence offerte à mon humble talent, restera pour moi une étape importante et ne me quittera sans doute jamais plus.
Ce livre n’est pas un premier roman, mais sûrement le plus important. Le background étant assez sombre j’ai désiré que l’histoire soit avant tout une aventure, avec des rebondissements, des surprises, de l’action et même de l’humour. J’ai voulu qu’on ne s’y ennuie jamais, qu’on puisse être triste, ou enchanté, que l’on vibre en sachant à l’avance qu’Amina ne prend pas la bonne décision, qu’au détour d’un couloir elle va forcément s’en prendre plein la figure, sauf que… Il y a plein d’imprévus dans cette odyssée. Ceux que vous aimiez vous trahissent, leur passé recèle des choses inavouables, vous ne pouvez compter sur personne. J’ai mis mon personnage au centre de l’histoire, en lui tenant la main, pour encore mieux la relâcher et laisser le lecteur découvrir par quel miracle elle va s’en sortir… ou pas.
Amina se bat contre les éléments, un univers qui s’écroule, une Apocalypse : elle est abusée, manipulée, ça ne finit pas forcément bien, en tous cas pas de la façon qu’on avait imaginé. Elle est l’étincelle dans un monde obscur, elle réalise l’impossible sans certitudes afin d’échapper à la fin de ce rêve étrange : le froid, l’oubli, la mort.
Ce personnage de fiction n’a pas de super pouvoirs, et lorsqu’elle en acquiert (sans son consentement) il n’est pas certain qu’elle sache s’en servir… Mais elle est comme une lumière qui brille de mille feux, parce que la nuit est la plus noire qui soit et que mon héroïne représente l’innocence, la victime collatérale, l’un de ces enfants oubliés dans tous les génocides du monde.
Le rêve m’aura mené bien loin, au fond de moi je suis tenté d’affirmer qu’Amina n’est pas sortie du néant, qu’elle m’a choisi en m’envoyant un songe. Rassurez-vous : je ne vais pas le faire ! Je ne suis pas Verlaine dans "mon rêve familier"… On pourrait en dire long sur les rapports entre un auteur et ses créations, mais je préfère laisser le lecteur emprunter les sombres couloirs de "Soleil noir" et se faire lui-même une idée sur la vraisemblance de mes personnages, si j’ai su ou non leur donner une certaine réalité. Dans notre monde à court de ressources, y-aura-t-il une Amina Tales pour échapper à la solution finale ?
Il me semblait important de préciser d’où vient cette histoire…
FREDEL, le 16 septembre 2016.


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